Penser au suicide, une réalité bien présente dans la population étudiante. En tant que laboratoire de recherche sur la santé des étudiants, nous devons en parler car en parler peut sauver des vies.
Entretien avec Mélissa Macalli.
C’est quoi aujourd’hui le suicide chez les étudiants ?
Le suicide est la 2ème cause de mortalité chez les jeunes adultes après les accidents de la route. Nos études (i-Share, CONFINS) ont montré qu’environ 1 étudiant sur 5 a des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois et 6% ont fait une tentative de suicide au cours de leur vie.
Pourquoi faire de la recherche sur les pensées suicidaires chez les étudiants ?
Parce que penser au suicide constitue le plus souvent la 1ère étape qui mène au suicide. Et chez les jeunes en particulier, penser au suicide est un marqueur de grande souffrance psychique. Identifier les déterminants de cette souffrance à une étape précoce du processus suicidaire peut permettre de détecter les individus à risque, éviter une aggravation de leur état psychique en les amenant vers une prise en charge et mieux orienter les stratégies de prévention.
Quels sont vos projets de recherche en ce moment ?
Mes travaux sont essentiellement axés sur l’identification des personnes à risque de comportements suicidaires et la prévention des troubles psychiques. Par exemple en utilisant des données de nos cohortes d’étudiants, nous cherchons à identifier quels sont les critères les plus prédicteurs de pensées suicidaires futures. L’objectif final est de concevoir des outils de dépistage précoce à l’entrée à l’université.
Concernant la prévention, nous lançons une étude appelée Prisme qui nous permettra de mesurer la santé mentale des étudiants bordelais en début de cursus et de leur proposer d’expérimenter des outils de prévention des troubles psychiques. Nous avons observé un manque de connaissances des étudiants sur la santé en général et sur leur santé mentale y compris sur les dispositifs de soutien et d’aide disponibles. A l’issue de leurs réponses aux questionnaires de l’étude, les étudiants pourront ainsi bénéficier d’un bilan personnalisé de leur état psychique basé sur ces réponses. Ils auront également à disposition des informations sur la santé mentale et les dispositifs de soutien nationaux et locaux.
Quel résultat récent souhaiteriez-vous partager ?
Actuellement, je travaille également sur l’impact de l’épidémie de COVID-19 sur les comportements suicidaires chez les étudiants mais aussi sur l’identification des facteurs de risque de ces pensées suicidaires sur cette période. Parmi les facteurs de risque identifiés nous avons montré que les étudiants qui rapportent de hauts niveaux de solitude présentaient 4 fois plus de pensées suicidaires. Ces résultats montrent que, au-delà du contexte épidémique, la solitude est un facteur de risque majeur dans la problématique suicidaire chez les étudiants, et que les stratégies de prévention du suicide doivent cibler la solitude (tutorat, initiatives solidaires, rencontres culturelles et sportives…).
Retrouvez notre article consacré à cette étude.
Dispositifs pour prévenir le suicide :
- La ligne d’écoute nationale 3114 dont on vous parlait dans notre article dernièrement est une porte d’entrée privilégiée.
- Le site « Dites je suis là ».
- Notre mini-série interactive « Qu’aurais-tu fait à ma place ? ».
- La plateforme Psycom et son article « Quand on a des sur les pensées suicidaires ».
- Le portail d’information sur le suicide Infosuicide.org.
- La formation de PSSM France (Premiers secours en santé mentale) qui est délivrée gratuitement aux étudiants de l’université de Bordeaux. N’hésitez pas à jeter un œil à la BD explicative réalisée par l’illustratrice Océane Jeanty pour l’Espace Santé Étudiants de Bordeaux.
EM